Ce 27 mars 2024, le Syndicat Autonome des Magistrats Burkinabè (SAMAB) commémore ses quarante-un ans d’existence dans la sphère syndicale de la magistrature burkinabè. A cette occasion, il est un devoir pour nous, de nous incliner devant la mémoire de nos vaillants militants qui nous ont quittés ainsi que de nos dignes et vénérables forces de défense et de sécurité et volontaires pour la défense de la patrie tombés sur le champ d’honneur. Que leurs âmes reposent en paix !
Aussi, voudrions-nous réitérer notre engagement, avec l’ensemble des parties prenantes du peuple burkinabè, dans la lutte implacable contre l’hydre terroriste qui endeuille et tente de déstructurer notre société.
L’année 2024 a commencé dans la même dynamique de lutte âpre contre le terrorisme où la justice occupe une place de choix mais elle ne peut apporter efficacement sa contribution sans une prise en compte de certaines préoccupations des acteurs.
Le SAMAB, profitant de cette date d’anniversaire, s’oblige à faire des observations sur les réformes entreprises depuis le début de cette année afin d’apporter sa contribution à l’édification d’une justice indépendante, crédible et efficace. A cet effet, il constate, avec regret et inquiétude, la mise en branle des actions de remise en cause de l’indépendance de la magistrature, dénoncées par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) lors de sa session extraordinaire des 27, 28 et 29 décembre 2023 à travers un communiqué. Ces réformes déjà actées dans la Constitution du Burkina Faso suscitent des inquiétudes eu égard au retour dans l’arène des juridictions du Ministre chargé de la Justice à plusieurs égards. Aussi, l’adoption des avant projets de lois organiques relatives au statut de la magistrature et au CSM par le Conseil des ministres lors de sa session du 13 mars 2024, à la surprise générale, renforce l’inquiétude des magistrats sur les intentions réelles qui ont motivé le choix d’écarter les acteurs du processus de leur élaboration qui s’est voulue dans la discrétion.
Le SAMAB dénonce ce processus non participatif qui présage, si l’on s’en tient à l’expérience processuelle de la révision constitutionnelle passée, l’adoption de ces textes sans un véritable questionnement sur les problèmes qu’ils engendreraient sur l’indépendance de la justice. L’avis préalable du CSM qui est une exigence légale (article 133 de la Constitution) et celui des organisations représentatives des magistrats (à tout le moins comme cela est d’usage), n’ont nullement été requis lors dudit processus. Pire, les organisations représentatives des magistrats ont été exclues des organes décisionnels de la magistrature, notamment du CSM, même en sa formation disciplinaire, contrairement à l’orthodoxie fonctionnelle du conseil de discipline de toute structure organisée. Par ailleurs, l’admission pour moitié des membres non magistrats au CSM fait de lui, désormais, un Conseil supérieur de la Justice et non de la magistrature. Du reste, l’on peut légitimement s’interroger s’il n’était pas plus cohérent de mettre en place le mécanisme de veille, de suivi et d’interpellation pour la mise en œuvre du pacte national pour le renouveau de la Justice au Burkina Faso dénommé Autorité de Mise en œuvre du Pacte (AMP) consacré à l’article 111 dudit pacte ?
Le choix délibéré de ne pas se conformer, non seulement, à la Charte de la Transition consacrant, entre autres, le respect de l’indépendance de la magistrature mais aussi, au Pacte national pour le Renouveau de la Justice adoptée le 28 mars 2015 à l’issue de concertations de toutes les couches sociales, le tout couronné par la volonté affichée de l’Exécutif de ne respecter aucune décision de justice, constitue un recul, sans précèdent, des valeurs de cohérence, de respect de la parole donnée et de bonne gouvernance.
En tout état de cause, le SAMAB interpelle l’Assemblée Législative de Transition sur la nécessité d’analyser tous les contours des réformes entreprises dans les projets de lois organiques. Il fait observer que cette réforme devra avoir pour boussole l’intérêt supérieur de la nation, tirant leçon du passé, tant dans les faits, longtemps récriminés et favorisés par la subordination du parquet au Ministre chargé de la justice que dans les aspirations profondes du peuple burkinabè identifiées lors de la phase diagnostique des états généraux de la justice de mars 2015.
C’est le lieu de saluer la discipline et la résilience de nos militants, qui, malgré les épreuves qu’ils traversent depuis un certain moment, continuent de rendre dignement justice en toute impartialité et indépendance. En effet, certains évènements touchant au monde judiciaire ont été marqués par la stigmatisation publique de notre organisation par des activistes de circonstance et même par de hautes personnalités insoupçonnées, en des termes excessifs.
Le SAMAB qui a une haute considération de l’Etat de droit assume le combat pour la consolidation des acquis démocratiques en matière de liberté syndicale et tient à rappeler la nécessaire conciliation des contraintes du moment d’avec les exigences de l’Etat de droit. C’est pourquoi, il reste solidaire avec le monde syndical du Burkina Faso qui a toujours marqué l’Histoire du pays par ses nobles et victorieuses luttes pour la liberté et la bonne gouvernance, le tout dans la résilience.
Durant ses quarante et une années d’existence, le SAMAB, toujours résiliant et sans antipathie aucune face aux différents régimes politiques qui se sont succédés, a toujours eu pour leitmotiv la défense des intérêts moraux, matériels et professionnels des magistrats et la lutte pour le bon fonctionnement du service public de la justice. C’est pourquoi, prenant certes en compte le contexte sécuritaire difficile que traverse le pays, il tient à renouveler son serment d’être le levant de la défense de l’indépendance de la justice et de la séparation des pouvoirs, seuls gages d’un Etat stable, durable et viable.
Fort de cette conviction et conscient de la stigmatisation qu’a subi l’institution judiciaire dans son ensemble et les militants SAMAB en particulier sous la période révolutionnaire, ainsi que des soubresauts vécus au fil des ans et des régimes politiques qui se sont succédés, le SAMAB, encore aujourd’hui, face aux attaques injustifiées et savamment ourdies que connait la magistrature, invite ses militants à demeurer résiliants et à vaquer avec professionnalisme à leurs activités quotidiennes.
Il souhaite à l’ensemble de ses militants une bonne commémoration des quarante et un ans d’existence de leur organisation syndicale ainsi qu’un bon temps de jeûne pour les musulmans et une bonne semaine sainte pour les chrétiens. Que Dieu exauce nos prières et accorde la paix au Burkina Faso.
Vive le SAMAB !
Vive la magistrature et la justice burkinabè !
Vive le Burkina Faso !
Pour le Comité exécutif
Le Secrétaire Général
ZABSONRE T. Bruno
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