Etat de connaissance des terres agricoles de la commune de Arbollé : savoir se servir des sols dégradés

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INTRODUCTION

Au Burkina Faso, les aléas climatiques, conjugués aux activités humaines, occasionnent une dégradation des terres agricoles dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches (T. H Ouédraogo et al, 2023). En effet, le pays a enregistré des sécheresses importantes au cours des années 1970 à 1980, 1990 à 1991 qui ont eu des répercussions sur la population, les troupeaux et les ressources naturelles (A. Kaboré, 2010, p. 43). Face à la baisse de fertilité des sols, des modes de gestion ont été envisagés pour permettre une exploitation rationnelle et durable des terres. Ainsi, à Arbollé, les investigations de L. Ouédraogo et O. Kaboré (2018, pp.305-307) et J-M. Dipama (2016, pp. 20-28) ont montré que les techniques de conservation des eaux et des sols (CES) et la régénération naturelle assistée (RNA) sont les plus utilisées pour la restauration de la fertilité des terres L’objectif de cette recherche est de montrer la dynamique spatiale des unités d’occupation des terres et son impact sur les systèmes de production agricole.

La recherche s’est déroulée à Arbollé, une des Communes rurales de la province du Passoré. Il est situé à 29 km de Yako, chef-lieu de la province et à 80 km de Ouagadougou la Capitale du Burkina, sur l’axe Ouagadougou-Ouahigouya. (voir carte 1).

 

  

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METHODOLOGIE UTILISEE

Essentiellement deux démarches ont été utilisées : La collecte et l’analyse des données socioéconomiques et la cartographie de l’occupation des terres de la commune rurale de Arbollé. Les éléments de l’espace sont ici mis exergue. La méthode utilisée a combiné le traitement d’images de satellites des années 1990, 2006 et 2020, les entretiens individuels, les focus-groups, les observations directes sur le terrain. Pour les données socioéconomiques, elles ont été collectées auprès des personnes ressources et des ménages de la commune. Le traitement de ces données a été réalisé avec le logiciel Excel. Les données liées à la cartographie sont issues des traitements des images satellites à partir de logiciels comme QGIS, Envi et de l’exploitation de bases de données existantes (BNDT 2012, BDOT 2002) (voir figure 1).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Figure 1 : Procédure de traitement d’image

 

RESULTATS

 

Dynamique spatiale

Les résultats des traitements d’images satellites montrent une évolution des unités d’occupation des terres dans le temps et dans l’espace dans la commune de Arbollé (Planche 1). 

Planche 2 : Occupation des terres dans la commune de Arbollé en 1990 ; et 2020

Les superficies observées (figure 2) montrent d’une part une évolution positive d’unités d’occupation des terres entre 1990 et 2020. Il s’agit des champs, de la steppe herbeuse, des zones d’habitation et les plans d’eau. D’autre part la régression des superficies concerne les sols nus et les savanes. (Ouédraogo T. H., Ouédraogo L. et Ouédraogo W, 2023., p. 115). Ce recul des sols nus est lié à leur mise en culture par de systèmes innovants ; celui des savanes par le défrichement, la détérioration du climat. Ces différentes variations permettent de calculer le taux d’évolution des unités d’occupation des terres (figure 3).

Arbollé

 

Sources : Images satellites de 1990 et de 2020

 

Figure 2 : Taux d’évolution des unités d’occupation des terres dans la commune de Arbollé de 1990 et 2020

 

Ce graphique présente en effet les différentes allures de toutes les unités d’occupation, notamment les champs et les trois types de savane (arborées, arbustive et herbeuse). Il met en évidence l’allure décroissante des unités de « formations naturelles (les savanes) ». Il y a donc une pression qui est faite sur ces unités en faveur des champs qui elles, sont en évolution croissante. Ceci confirme en partie les résultats de la présente étude au regard de l’extension des superficies des champs dans la Commune de Arbollé. Selon les dires des populations lors des entretiens réalisés en focus-groups, cette évolution des unités d’occupation des terres peut s’expliquer par la croissance de la population, le manque de pluie, l’augmentation des habitations, qui contribuent à la déforestation et à la dégradation physique et chimique des sols.

Afin d’observer les différents changements entre 1990 et 2020, un tableau qui montre le changement des unités est élaborée (tableau I). Les lignes représentent les unités d’occupation des terres de 1990 et les colonnes celles de 2020. Les unités de la diagonale en couleur jaune dans le tableau correspondent aux superficies des unités qui n’ont pas entre les deux dates considérées. 

Tableau I : Matrice de transition de la commune de Arbollé entre 1990 et 2020

L’analyse du tableau montre trois types de transitions qui se sont effectuées durant la période de 1990 à 2020. Il s’agit d’une situation de stabilité, de gain et de perte. Il y a des unités qui ont perdu leurs superficies et se sont converties en d’autres unités. Les savanes Arborée, la savane arbustives et herbeuses ont perdu plus de superficie au profit des champs (21099,99 ha) et des habitations (1496,74 ha). Cela se justifie par la forte croissance démographique qui entraine une pression sur les ressources naturelles. En effet, cette conversion peut être justifier par la coupe du bois, l’accroissement des champs et le surpâturage et la pression démographique. La savane arborée a aussi perdu sa superficie au profit de la savane arbustive/ herbeuse (2332,38 ha). La conversion de la savane arborée s’explique aussi par la forte anthropisation. Dans la même période, les sols nus ont perdu respectivement 1088,99 ha, 302,85 ha et 83,31ha au profit des champs, de la savane arborée, la savane arbustive/herbeuse et des habitations.

Cette dégradation du couvert végétal qui se traduit par une conversion des savanes en steppes (3520,41 ha) peut s’expliquer par des facteurs comme la péjoration climatique et les actions anthropiques. En effet, selon la population enquêtée, ce changement qui se traduit par une augmentation du nombre d’arbres épineux (caractéristiques des steppes) dans la zone est liée à la sècheresse et à la dissémination par les oiseaux. Les investigations de de P.N. Kaboré et al 2019 p.14 ont indiqué que « la réduction des herbacées, le dessèchement et la mortalité des ligneux sont des signes visibles de la dégradation des terres sur la végétation naturelle et les faibles rendements agricoles, sont des indicateurs de la dégradation des sols dans le Centre Nord ».  On estime à 14525,31 hectares la superficie des terres moyennement dégradées et 51072,25 hectares celle des terres en dégradation avancées dans la commune de Arbollé où la pratique de l’agriculture nécessite des aménagements appropriés. La situation de dégradation avancée des terres a amené les producteurs à faire recours à des pratiques agricoles protectrices de leur écosystème suivant les conditions biophysiques du milieu, leurs moyens et attentes. Les enquêtes de (Ouédraogo L. et Kaboré O., 2018, p. 307) révèlent la mise en œuvre de techniques culturales telles que le zaï, (B), les demi-lunes (C et D) au niveau des sols nus dégradé littéralement (A) appelé « zipellés » en mooré (planche 2).

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Sources : L. Ouédraogo et O. Kabore, 2018 

Planche 2 : : Principales pratiques de récupération des terres

 

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Sont aussi concernées les terres susceptibles d’être mises en culture et dont la densité des arbres permet de pratiquer l’agriculture sans risque de compétition. 

 

CONCLUSION

Les changements climatiques conjugués à l’action anthropique contribuent énormément à la dégradation des terres agricoles à Arbollé. Avec elle, il y a un changement des états des ressources naturelles. Sur un espace composé à 65% des sols peu évolués, les producteurs dans cette partie du Burkina Faso mettent en œuvre des techniques de CES afin de restaurer la fertilité des sols et accroitre la production agricole. Ces techniques sont en évolution sont des exemples d’adaptation aux variabilités climatiques. Introduites durant les années de déficits pluviométriques, les producteurs continuent de les améliorer afin d’adapter efficacement leur lutte contre les sècheresses, l’insuffisance et l’arrêt précoce des pluies.

 

REMERCIEMENT

Reconnaissance au programme Désira Fostering Agroecological Intensification for small farmer Resilience in the Sahel (FAIR-Sahel) pour son accompagnement dans la collecte et le traitement des données qui ont servi à la rédaction de ce document.

 

OUÉDRAOGO Tegwendé Habibou, UJKZ/LERMIT. ohabibou58@yahoo.fr

OUÉDRAOGO Lucien, maître de recherche en géographie, CNRST/INERA Kamboinsé, Ouagadougou, lucienouedraogo@yahoo.fr, 70322352

 

 

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

DIPAMA Jean Marie, 2016. Changement climatique et agriculture durable au Burkina Faso : Stratégie de résilience basée sur les savoirs locaux. Rapport d’étude recherche sur les futurs résilients du climat (programme PRESA et ied) 36 p.

OUÉDRAOGO Lucien et KABORÉ Oumar, 2018. Remise en culture des terres dégradées par des pratiques endogènes de récupération dans la commune de Arbollé au Burkina Faso. In Afrique SCIENCE 14(5) (2018) septembre 2018 299 – 310, ISSN 1813-548X, http://www.afriquescience.net

OUÉDRAOGO Tegwendé Habibou, OUÉDRAOGO Lucien, OUÉDRAOGO Wendlassida, 2023. Recomposition spatiale de la commune de Arbollé par les pratiques de récupération des terres. Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, Num. spécial, Vol. 3, Actes du colloque d’hommage au Prof. TPZ, janv. 2023, pp. 107-127

OUEDRAOGO Wendlassida, OUEDRAOGO Lucien, KABORE/KONKOBO Madeleine and DA Dapola Evariste Constant, (2021).Spatio-temporal dynamic of land use/occupation in the communes of Koumbia and Dédougou (Burkina Faso)” in International Journal of Science Academic Research (IJSAR), N° 1, Vol 2, pp. 759-769

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