Le XVIe Sommet des BRICS s’est tenu, du 22 au 24 octobre 2024, à Kazan, en Russie. L’hôte, le président Vladimir Poutine, a pris une belle revanche diplomatique sur le monde occidental, qui tente de l’isoler depuis le déclenchement de la guerre d’Ukraine, le 24 février 2022. En effet, une trentaine de pays et pas des moindres, y ont participé, dont une vingtaine au haut niveau. Les débats auront porté, essentiellemnt, sur le renforcement de la coopération financière, le développement économique, le règlement des conflits régionaux ainsi que l'élargissement du groupe.
Une vingtaine de dirigeants, dont des pointures de la géopolitique et de l’économie mondiales, ont répondu à l’invitation de la Russie à participer au XVIe Sommet des BRICS : le président chinois Xi Jinping, le Premier ministre indien Narendra Modi, le président turc Recep Tayyip Erdogan, le président des Émirats arabes unisMohammed ben Zayed Al Nahyan ou encore le frais émoulu iranien Masoud Pezeshkian. Côté africain, le Sud-africain Cyril Ramaphosa, l’Égyptien Abdel Fattah El-Sissi, et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed étaient, également, présents. La Fédération de Russie a mis les petits plats dans les grands, pour accueillir ce beau monde à Kazan. La ville est située à 720 km à l'est de Moscou, sur la rive gauche de la Volga, principal fleuve de la Russie dans sa partie européenne.
Un discours alléchant
La diplomatie russe a tenu le discours alléchant. Vladimir Poutine a déclaré qu'il est crucial d'adapter l'ONU aux réalités actuelles, en améliorant la représentation des pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine au sein du Conseil de sécurité et d'autres organes clés. Il a également insisté sur la nécessité de réformer les institutions de développement de l'ONU et les structures financières mondiales. Le bloc, qui comprenait à l'origine le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud, en janvier 2023, s'est élargi pour inclure l'Iran, l'Égypte, l'Éthiopie, les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite. Les BRICS sont devenus, de ce fait, BRICS+. La Russie, en sa qualité d’hôte et de leader, s’est montrée ouverte au monde. Au lendemain de l’ouverture du sommet, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a affirmé que tout pays, y compris ceux membres de l’OTAN, pouvait rejoindre les BRICS+. Cette déclaration intervient alors que des discussions concernant une potentielle adhésion de la Turquie, un membre influent de l’OTAN, aux BRICS+ font surface. Dmitri Peskov a indiqué que l’organisation n’impose pas de conditions restrictives à ses futurs partenaires. Elle pourrait bien rejoindre les BRICS+, sans conflit d’intérêts. Il a aussi fermement démenti des allégations concernant une prétendue fracture au sein des BRICS, lors de leur précédent sommet, en Afrique du Sud, en août 2023. Selon ces rumeurs, une division serait apparue, la Russie et la Chine cherchant à orienter l’organisation vers une coalition anti-américaine, tandis que d’autres membres se seraient opposés à cette orientation. « Ce n’est pas vrai », a tranché le porte-parole du Kremlin. « Personne ne coopère contre qui que ce soit au sein des BRICS. Chacun défend ses intérêts nationaux. » Pour lui, les projets en matière économique et financière, y compris la création de plateformes d’investissement communes, sont conçus pour répondre aux besoins des États membres, sans viser à contrer d’autres organisations internationales. Les BRICS sont si attractifs que La Turquie, l'Azerbaïdjan, et la Malaisie ont officiellement demandé à rejoindre le groupe. Plusieurs autres pays, dont le Burkina Faso et le Mali, ont manifesté leur intérêt pour l’organisation, qui est née, officiellement, en 2011.
En marge du sommet Vladimir Poutine a mené plusieurs entretiens bilatéraux avec des dirigeants étrangers, notamment des responsables chinois, indiens, sud-africains, éthiopiens et égyptiens. Au cours de ces discussions, Poutine a abordé la question de l’opération militaire spéciale en Ukraine, mettant en avant, selon Peskov, « le refus de la partie ukrainienne de négocier et la dynamique positive des opérations offensives des troupes russes ». Des accords bilatéraux ont été signés, à l’occasion.
Les espoirs des dirigeants africains
Les dirigeants africains ont exprimé les espoirs qu’ils placent dans les BRICS+. Ainsi, pour le président égyptien, Abdel-Fattah el-Sissi, la question du développement est primordiale : “Les développements internationaux ont montré que les lacunes du système international actuel ne se limitent pas aux questions politiques et sécuritaires, mais s'étendent aux questions économiques et au développement, alors que les pays émergents souffrent de la progression du problème de la dette et du manque de financement nécessaire à la réalisation des objectifs de développement durable, en plus du coût élevé du financement et de l'emprunt. De ce point de vue, l'Égypte accorde une grande priorité à l'adoption de mesures concrètes visant à s'assurer que la communauté internationale est consciente de son rôle dans la mise en place d'un financement souple pour le développement des pays émergents, en créant des mécanismes innovants et efficaces pour le financement du développement et des mécanismes globaux pour assurer une gestion durable de la dette des pays émergents”, a-t-il indiqué. Une vision approuvée par le président sud-africain Cyril Ramaphosa: “Nous devons intensifier la coopération entre les membres des BRICS en lançant des programmes de développement communs dans les domaines de l'exportation, de la coopération industrielle et de l'échange de technologies. Nous avons appelé à un rééquilibrage des règles commerciales pour permettre l'industrialisation. L'OMC doit être réformée”. L’Éthiopie, quant à elle, mise sur l’unité pour renforcer l’impact de l’institution sur la scène internationale : “Ensemble, nous pouvons défendre des réformes qui répondent aux préoccupations des pays en développement et faire en sorte que leur voix soit entendue sur la scène internationale. L'Éthiopie souhaite en particulier souligner que la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies mérite notre attention. Nous sommes convaincus que les pays présents à ce sommet accorderont la priorité à la représentation de l'Afrique au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, en adhérant à la position africaine commune. Il ne s'agit pas seulement de représentation. Il s'agit de justice, d'équité et de garantir que toutes les nations puissent contribuer à la gouvernance mondiale", a déclaré Abiy Ahmed, Premier ministre éthiopien.
Assurément, le président russe, Vladimir Poutine, aura démontré que son pays n’est pas isolé.
André Marie POUYA
Journaliste & Consultant
Le sommet des BRICS a adopté une déclaration finale dont la teneur suit :
« Nous avons préparé une déclaration finale, qui contient des évaluations générales de la situation mondiale, résume les résultats de la présidence russe des BRICS et définit les lignes directrices de la coopération à long terme… Je voudrais souligner que nous prévoyons de la distribuer à l’ONU en tant que notre document commun », a déclaré Vladimir Poutine lors d’une réunion élargie des BRICS.
La Déclaration de Kazan
Dans leur déclaration finale, les BRICS, entre autres :
- ont déclaré l’importance d’élargir la coopération sur la base d’intérêts communs et de développer davantage le partenariat stratégique.
- ont rappelé leurs positions nationales sur la situation en Ukraine et dans son voisinage.
- ont exprimé leur inquiétude quant à l’impact négatif des sanctions illégales sur l’économie mondiale.
- ont appelé à une plus grande participation des pays les moins développés, en particulier en Afrique, aux processus mondiaux. ont salué le vif intérêt du Sud global à se rassembler.
- ont pris note des propositions de médiation pour une résolution pacifique du conflit ukrainien par le dialogue.
- ont exprimé leur inquiétude face à l’escalade de la violence et à l’aggravation de la crise humanitaire au Soudan, et a appelé à un cessez-le-feu.
- ont réaffirmé leur engagement en faveur du multilatéralisme et du maintien du rôle central des Nations Unies dans le système international.
- ont souligné l’importance de poursuivre la mise en œuvre de la Stratégie de partenariat économique 2025 sur tous les fronts.
- ont réaffirmé leur soutien à une réforme globale de l’ONU, y compris du Conseil de sécurité, pour le rendre plus représentatif.
- ont salué l’utilisation des monnaies nationales dans les transactions financières entre les États membres du bloc et leurs partenaires commerciaux.
- ont fait part de leur opposition à des mesures unilatérales imposées sous prétexte de lutter contre le changement climatique.
- ont condamné les attaques contre le personnel de l’ONU et les menaces à sa sécurité, et ont appelé Israël à cesser immédiatement de telles actions.
- ont salué la création d’un Conseil présidentiel intérimaire pour Haïti et la création d’un Conseil électoral pour résoudre la crise.
- ont réaffirmé la décision de prendre des mesures en faveur de la réforme de l’OMC.
Les BRICS ont appelé à une réforme des institutions de Bretton Woods, en tenant compte de la représentation accrue des pays en développement.
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