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Aristide Tarnagda est un dramaturge, acteur et metteur en scène burkinabé, reconnu pour son engagement en faveur du théâtre africain contemporain. Il est particulièrement actif dans la promotion du théâtre en Afrique de l'Ouest et a contribué à la réflexion sur des questions sociales et politiques à travers ses œuvres. Il est également celui qui assurera l’ouverture et la clôture de la 29 ème édition du FESPACO dans quelques heures . Dans une rencontre accordée à Zoodomail.com, il nous dévoile son engagement inébranlable à travers cette forme d’art.
En plus de son activité théâtrale, il a également participé à des festivals de théâtre en Afrique et à l’étranger, où il a eu l'occasion de partager sa vision et ses créations. Son style s'inspire des traditions théâtrales africaines tout en intégrant des techniques modernes, ce qui lui permet de toucher un large public.
Il est un homme passionné de théâtre et d’art en général. Après l’obtention de son bac, il fait des études en sociologie. Il entre dans le monde du théâtre avec ce désir naïf et innocent de faire du théâtre, non pas comme un métier, mais comme une bouffée d’air où il pourra trouver satisfaction. Le premier jour où il mit les pieds au Théâtre de la Fraternité fut le début d’une belle expérience. Aristide Tarnagda ne s’imaginait pas que ce métier, qui n’en était pas un à l’époque, deviendrait son meilleur compagnon de vie. Titulaire d’un Baccalauréat, il a fait ses études en sociologie. La réflexion, la stratégie, la compétition, la planification et la prise de risque, symboles des jeux de cartes, le définissent bien.
Aristide Tarnagda a fondé la compagnie de théâtre Les Récréatales, qui se consacre à la création et à la diffusion de pièces de théâtre. Ses travaux abordent souvent des thèmes comme la justice sociale, les droits humains et les tensions politiques dans son pays et dans la région. En 2014, il prend les rênes de la direction du Laboratoire ÉLAN et celle des Récréatrales en 2016.
« Quand j’ai mis les pieds là, il y avait une pièce en représentation, Les Créanciers d’Auguste Singburg. J’étais subjugué et émerveillé, et je crois, sans me l’avoir dit formellement, sans l’avoir conscientisé à l’époque, je savais que je ne lâcherais plus le théâtre et que le théâtre ne me lâcherait plus », explique-t-il. Les souvenirs ne manquent pas à l’homme qui porte bien le pagne traditionnel. Le théâtre lui a permis de découvrir une grande partie du Burkina Faso. Comédien, metteur en scène et dramaturge, tout semblait prédestiné. Aristide Tarnagda a écrit sa première pièce sous l’impulsion d’une phrase de feu Jean-Pierre Guingané. Très vite, il se rendit compte que l’écriture était un désir incandescent, une soif inestimable où il était libre d’être lui-même, comme face à un miroir. Où il pouvait toucher les extrêmes sans avoir un grain de frayeur. Car une timidité sommeillait en lui et ce moyen d’expression convenait parfaitement à son âme. C’est à l’instinct que Aristide Tarnagda résonne, tout comme lorsqu’il était temps pour lui d’écrire des textes et de diriger des acteurs et des actrices. Il ne cesse de se former car c’est un métier qui nécessite beaucoup de pratique. « On n’a pas d’écoles de mise en scène, ni de dramaturgie et d’écriture où tu t’inscris. On est obligé de suivre ses intuitions, ses désirs profonds, et après, ça marche ou ça ne marche pas. Mais il n’y a pas eu un moment où je me suis assis pour dire : là, c’est le moment. C’était plus l’instinct », a-t-il souligné.
Il est essentiel que l’Afrique déploie ses récits…
Pour Aristide Tarnagda, les Récréatrales sont un endroit de déploiement de récits. Il est donc essentiel que l’Afrique s’adresse à elle-même et au monde dans des endroits pensés par elle, pour elle et pour ses enfants, des endroits où elle peut féconder son imaginaire, des endroits où elle peut se célébrer, où elle peut remettre sa trajectoire historique en cause. Les Récréatrales, pensées par le génie d’Étienne Minoungou, arrivent avec une forme qui permet d’ouvrir cet espace utopique, l’utopie étant ce dont on rêve, ce monde qui doit venir mais qui n’est pas encore là, c’est-à-dire le monde beau, le monde juste, le monde amical, paternel et hospitalier. « Ce ne sont plus les Récréatrales d’Étienne Minoungou ou les Récréatrales de Aristide Tarnagda, ce sont les Récréatrales des habitants de Bousoumtenga qui attendent cet événement comme on attend Noël, comme on attend la Tabaski, ou un enfant. C’est un rendez-vous qui n’est plus réservé à une élite, mais un rendez-vous du peuple et pour le peuple. On n’a pas à se lasser parce que notre mission en tant qu’artiste, c’est justement de faire en sorte que le peuple se sente vivant, que le peuple se sente digne, que le peuple se sente respecté. C’est nourrir cette énergie populaire qui nous permet de tenir debout », a-t-il décrit.
En plus de faire en sorte que le peuple se sente vivant, il a mis en place un projet qu’il chérit affectueusement du nom de « Terre Ceinte ». Ce projet, né en 2019, est le fruit d’un désir d’être avec ceux qui sont fragilisés, qui ont été brutalisés, humiliés, dépossédés de leur humanité et qui errent dans leur propre pays. C’est un geste de solidarité et aussi un désir d’utiliser l’art comme béquille pour aider ces personnes à se relever. « J’aime parler du mythe de Soundjata quand je parle de Terre Ceinte. Soundjata est titillé par son orgueil, vient son handicap en se relevant, en s’appuyant sur ses béquilles pour se relever et aller amener le baobab à sa mère pour que les humiliations soient réhabilitées. Cela est pour moi fondamental, et Terre Ceinte, c’est cela. »
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C’est au regard de tout cela que Aristide Tarnagda se sent privilégié et ne donne aucune place au stress. Sa règle d’or est de toujours faire le mieux, de garder à l’esprit que le théâtre, l’art en général, c’est participer à l’émancipation, c’est participer à la présence de la beauté, au retour de la joie, mais c’est aussi participer à l’érection d’un monde vivant et vivable. Selon lui, le silence devient de plus en plus absent. Il est donc essentiel d’apprendre la nécessité du silence au théâtre, car sans le silence, l’homme n’est rien, il devient une machine, il devient fou. C’est pour cela que le monde va en vrille : il n’y a plus d’écoute de l’autre, plus d’écoute de soi. Le théâtre doit aujourd’hui magnifier le silence et réapprendre aux gens à se taire.
Le FESPACO, un rendez-vous avec soi-même et avec le monde…
Aristide Tarnagda a été choisi pour assurer l’ouverture et la clôture de la 29ème édition du FESPACO, qui se tiendra le 22 février prochain. Pour lui, le FESPACO est un rendez-vous important pour l’Afrique, un rendez-vous qui nous permet de déconstruire l’image qu’on a de l’Afrique et de nous imposer. « Je pense qu’aujourd’hui la domination est beaucoup plus intelligente. Elle est beaucoup plus insidieuse, elle parle par les images, elle passe par la télévision, par les contenus des réseaux sociaux. » C’est pour cela que le FESPACO existe : c’est le lieu de l’expression du génie africain et burkinabè. Savoir qu’il allait orchestrer cet événement l’a plongé dans un cocktail d’émotions, à la fois avec beaucoup d’honneur et de joie, mais aussi avec beaucoup de peur, car c’est une charge énorme. « Si c’est Aristide Tarnagda qui échoue, c’est pour vous, mais pour les autres, c’est l’Afrique, parce que parfois on n’a pas la lucidité de percevoir cela. C’est cela qui me fait peur, mais comme je l’ai dit au départ, aucune intelligence ne se suffit à elle-même pour s’en sortir et pour éclairer le monde toute seule. Nous nous complétons. Avec Adjibou Sanou, chorégraphe, frère qui, depuis le début, on pense les choses ensemble et on va vraiment colporter les choses pour que tous les artistes, les intellectuels, et les personnes déplacées, car tout ce monde sera présent », a-t-il justifié.
Avec le spectacle intitulé Willi, Aristide Tarnagda annonce une affirmation de soi. On doit s’attendre à la lumière, à la célébration de la joie, de la beauté, de l’hospitalité, de la fraternité et de l’unité africaine.
Aristide Tarnagda est donc une personnalité très altruiste qui se sert de son art pour panser les plaies, les cœurs des opprimés, des personnes qui ne se sentent plus à leur place. Il porte également un amour profond pour son travail et ses multiples projets.
Nefertari Ouedraogo
Zoodomail.com
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