Le mardi 31 décembre 2024, N. Amado, distributeur de Orange Money et B. Augustin, gestionnaire de portefeuille chez Orange Money, étaient devant le Tribunal de grande instance Ouaga 1 pour répondre respectivement de faux et usage de faux en écriture privées de commerce. En l’espèce pour avoir utilisé l’en-tête de Orange Money, le cachet et la signature de la directrice générale de Orange Money pour établir un relevé de commissions à l’insu de Orange Money Burkina. À la barre, les accusés n’ont pas reconnu les faits.
À la barre, N. Amado, propriétaire d’une boutique Orange Money, explique que courant mai 2023, il voulait un prêt auprès d’une structure de micro-finance de la place. Cette dernière lui a demandé de fournir sa situation financière chez Orange Money notamment, le relevé de ses commissions perçues en tant que « dealer Orange Money » en guise de garantie. N. Amado fait appel à B. Augustin son gestionnaire de compte chez Orange Money et lui demande de lui fournir l’état de ses commissions des 6 derniers mois. B. Augustin l’envoi le relevé. Sauf qu’en envoyant le relevé, B. Augustin ne fait aucune mention pour attester que le document émane de Orange Money. Et N. Amado lui demande de reprendre en lui fournissant un tableau des commissions perçues sur une année et en prenant le soin de lui dire de préciser que ça émane de Orange Money. B. Augustin s’exécute et établit le document avec les en-têtes de Orange Money. Mieux, c’est la signature de la directrice générale qui figure sur le document.
La structure de micro-finance pour s’assurer de l’authenticité adresse une correspondance à Orange Money avec la copie du relevé en pièce jointe. Orange Money tombe des nues et dément avoir établi le document et porte plainte pour faux et usage de faux en écritures privées de commerce.
À la barre, B. Augustin reconnait avoir établi effectivement le document à la demande de N. Amado. Il a réfuté les accusations portées contre lui. Il a expliqué qu’il a établi le document dans l’exercice de ses fonctions. B. Augustin déclare qu’il a été recruté par Orange Money à travers un sous-traitant. A cet effet, il est le gestionnaire du compte de N. Amado. À ce titre, il est un interface entre Orange Money et ses distributeurs. Selon lui, son travail consiste à recevoir les relevés des commissions des distributeurs que Orange Money calcule et transmet tel quel et de répondre également aux préoccupations distributeurs vis-à-vis de Orange Money.
Il a avoué qu’en établissant le document, il a pris le tableau des relevés que N. Amado lui a transmis et imprimer sur une feuille vierge qui comportait la signature de la directrice générale. Il reconnaît qu’en réalité, le document devrait être paraphé par le département des gestionnaires et non par la directrice. Cependant, fait-il savoir, leur cachet était gâté.
Toutefois, le procureur fait observer à B. Augustin que Orange Money conteste non seulement les chiffres, mais également la signature de directrice générale. Selon le procureur, les chiffres ont été minorés. Et à l’accusé de répondre que la signature de la directrice générale est authentique et vérifiable. Seulement, c’est le cachet et la signature de son chef qui devrait figurer sur le document en lieu et place de celle de la directrice générale. S’agissant, des chiffres, B. Augustin indique qu’il n’est pas habilité à manipuler les chiffres. Il explique que lorsque Orange Money lui envoie le tableau des commissions du mois, il les transfère tel quel aux distributeurs. Il explique que les relevés sont envoyés mensuellement aux distributeurs. « Maintenant, lorsque ils veulent un relevé semestriel ou annuel, c’est à eux d’établir le tableau en compilant les relevés mensuels et nous envoyer pour qu’on puisse cacheter et signer. Donc, lors des calculs, il arrive qu’ils fassent des erreurs en manipulant les chiffres », a confié B. Augustin.
« Quelle est la procédure normale pour avoir la situation financière des commissions ? », a questionné le procureur. Et à B. Augustin de répondre que normalement, les distributeurs doivent adresser une demande à la directrice.
« Ça été le cas pour N. Amado ? », a repris le procureur. Et à l’accusé de répondre par la négative. Et de se défendre en arguant que Orange Money leur a donné pour consigne d’accéder aux requêtes des distributeurs avec diligence.
Pour la partie civile constituée par Orange Money, les faits sont constitués, car le fait d’avoir utilisé l’image et la signature de la directrice générale pouvaient porter atteinte à la marque Orange Money. Il explique que N. Amado a d’abord fabriqué un faux document avec des fausses informations qu’il a ensuite envoyé à B. Augustin qui l’a produit. Selon le conseil de la partie civile, il n’y a pas eu d’erreur, car B. Augustin a établi le document en connaissance de cause. Pour cela, la partie civile a réclamé 1 FCFA symbolique au titre du préjudice et un million de FCFA au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
Selon le parquet, les faits sont assez clairs et les preuves sont irréfutables. Pour le procureur, non seulement, les chiffres ont été minorés, mais Orange Money même ne reconnaît pas la signature de la directrice générale. Pour le parquet, il n’y a pas d’erreur de la part de B. Augustin, car la procédure normale nécessitait l’introduction d’une demande auprès de la directrice générale, ce qui n’a pas été fait. En l’espèce, le parquet a requis que le prévenu soit condamné à une peine de 18 mois et une amende de 300 000 FCFA, le tout assorti de sursis.
En ce qui concerne N. Amado, le procureur, a demandé la requalification des faits de complicité de faux en des faits de faux en écriture privées de commerce, car il a fait une fausse déclaration de ses commissions. De plus, il devrait soumettre une demande à la directrice générale pour que l’état de ses commissions lui soit fourni, mais il ne l’a pas fait parce qu’il savait déjà que les états qu’il a dressés lui-même étaient faux. Et au procureur de relever qu’en réalité, N. Amado a tenté d’éteindre l’affaire en appelant Orange Money pour négocier afin que B. Augustin ne soit pas renvoyé. Tous ces éléments, foi du procureur, prouve la culpabilité du prévenu. Le parquet a donc requis contre N. Amado une peine de 24 mois et une amende de 300 000 FCFA, le tout assorti de sursis.
Pour la défense de B. Augustin, son client n’a pas intentionnellement produit le faux. Selon elle, B. Augustin a agi avec célérité comme l’exige Orange Money et c’est dans cette célérité qu’il s’est trompé. Et du reste, ce dernier l’a reconnu et l’erreur peut arriver sur tout le monde. Mieux, son client n’a pas tiré profit dans l’affaire, car il n’a pas réclamé une contrepartie et N. Amado non plus n’a pas proposé de contrepartie. Il a plaidé sa relaxe pour infraction non constituée en se fondant sur le fait que son client n’a pas eu d’intention frauduleuse et que celui-ci a même été licencié. « Tout ce que l’on peut reprocher à mon client, c’est une faute professionnelle », a-t-il martelé.
L’avocat de N. Amado pour sa part a déclaré que son client n’a fait que transmettre des données à B. Augustin et que c’est ce dernier qui a produit le document. Selon lui, c’est en réalité, les bénéfices déduits des charges qu’il a envoyé à B. Augustin. Raison , pour laquelle les montants diffèrent avec ceux de Orange Money. De plus, ces montants ont été minorés. Pour le conseil de N. Amado, son client n’avait pas l’intention de manipuler les états. Et à titre de preuve, c’est son client qui a même dit à la structure de micro-finance qu’elle pouvait vérifier auprès de Orange Money. La défense de N. Amado a poursuivi en faisant savoir qu’il ne voit pas , en quoi cette affaire a terni l’image de Orange Money car après avoir résilié le contrat de son client, Orange Money a demandé une transaction à l’amiable en lui proposant un nouveau contrat, mais celui-ci a refusé. L’avocat de N. Amado a même expliqué que Orange Money a reconnu avoir fait la force à son client. Pour ce qui est de l’intervention de N. Amado au profit de B. Augustin au niveau de Orange Money, son avocat a affirmé que cela ne peut, en aucun cas constituer une preuve de culpabilité, car son client l’a fait dans un élan d’humanisme. Il a donc plaidé la relaxe de N. Amado pour infraction non constituée.
Le verdict a été mis en délibéré pour le 7 janvier 2025.
Sam S
Zoodomail.com
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