D. Edith, cadre de banque âgée de 70 ans, était devant le Tribunal de grande instance Ouaga 1, le mardi 26 novembre 2024 pour répondre des faits de dissipation d’héritage, en l’espèce pour avoir disposé du loyer de biens immeubles sans rendre compte à ses frères et sœurs cohéritiers. À la barre, l’accusée n’a pas reconnu les faits.
À la barre, D. Edith a expliqué qu’avant le décès de son père, c’est elle qui percevait le loyer de deux biens immeubles et reversait l’argent à ce dernier. Après le décès de celui-ci, sa mère a voulu qu’on ouvre un compte en banque où l’argent sera déposé et deux membres de la famille seraient signataires pour faire des retraits. S’en est suivies des bisbilles et finalement, un compte au nom de sa petite sœur, D. Valérie est ouvert. C’est sur ce compte que l’argent des loyers était désormais déposé jusqu’au décès de leur maman. Cependant, après le décès de la maman, elle continuait à reverser l’argent des loyers toujours sur ce compte.
C’est après le décès de leur maman que les choses ont dégénéré, puisque indique-t-elle, elle a constaté un jour qu’il y a eu un retrait de plus de 12 millions de FCFA qui a été effectué sur le compte. Elle a donc voulu savoir qui avait fait le retrait et qu’avait-on fait de l’argent. Elle a donc appelé sa sœur D. Valérie pour comprendre, mais s’est heurtée à un mur. Ainsi, face au mutisme de ses frères et sœurs, puisqu’elle n’en saura pas davantage de ce qui est advenu de l’argent, elle a opté de ne plus reverser l’argent sur le compte de sa sœur D. Valérie et a ouvert un autre compte à son propre nom, où elle déposait l’argent.
Après, avoir constaté que l’argent n’était plus reversé dans le compte de D. Valérie et ne sachant pas également ce qui advenait de l’argent des loyers que percevaient leur aînée, D. Edith, les frères et sœurs de cette dernière l’este en justice pour dissipation d’héritage. Ses frères et sœurs au nombre de 7, estiment que l’accusée dispose de l’argent des loyers à sa guise et ne leur rend pas compte de l’usage de l’argent.
La liquidation de la succession .
Tellement l’atmosphère est délétère au sein de la famille, celle-ci est allée en jugement pour la liquidation de la succession. La liquidation est prononcée en 2008 et un liquidateur est désigné.
« Avez-vous remis les comptes au liquidateur pour la liquidation ? », a bien voulu savoir le Tribunal. « Le liquidateur, a-t-il demandé ces comptes ?, a rétorqué l’accusée. Le Tribunal lui fait comprendre que c’est à elle d’approcher le liquidateur pour présenter les comptes. L’accusée confie qu’il y a d’autres biens en l’occurrence deux villas que ses frères et sœurs perçoivent le loyer. L’accusée poursuit en déclarant qu’il y a également une villa à Gaoua et la cour familiale à Bobo-Dioulasso, mais elle n’a jamais vu la couleur de l’argent de loyer de ces biens. Elle indique que ce sont ses frères et sœurs qui prennent cet argent. Le Tribunal le fait remarquer qu’elle ne mesure pas la gravité de sa situation, car avec l’arrogance avec laquelle elle répond aux questions pourra la conduire à la MACO. Et insiste sur le fait que c’est parce qu’elle n’a pas avisé les autres cohéritiers et dispose des biens à sa guise qui constitue l’infraction de dissipation d’héritage.
« Est-ce que les autres étaient au courant que vous soutenez la famille avec l’argent des loyers ? », a martelé le procureur
Le procureur fait observer à la prévenue qu’en fait, c’est parce qu’elle a constaté le retrait dans le premier compte qu’elle a ouvert un autre compte à son nom et veut disposer, elle aussi, du loyer comme elle veut, en guise de représailles. L’accusée fait savoir alors qu’elle utilisait l’argent pour soutenir ses frères et sœurs ainsi que la famille. « Est-ce que les autres étaient au courant que vous soutenez la famille avec l’argent des loyers ? », a martelé le procureur. Et à l’accusée de répondre en disant que la communication était difficile avec eux et à chaque fois qu’elle faisait le pas, elle était humiliée. Elle a indiqué que le solde au niveau du compte tourne autour de plus de 30 millions de FCFA.
D. Annick, sœur de l’accusée et plaignante, a démenti le fait que la communication était difficile entre eux. « C’est elle qui nous adresse plus la parole. Les autres l’ont approché pour demander la restitution des loyers, mais elle n’a pas voulu. D. Annick révèle qu’en réalité, l’accusée utilisait l’argent des loyers pour s’inscrire à des cours bancaires sans les aviser. « Elle suivait des cours bancaires que sa banque payait, mais entretemps, la banque a arrêté de payer des cours et elle utilisait l’argent des loyers pour payer ces cours-là ». Et nous avons vu que ça ne pouvait pas continuer comme cela », a révélé la sœur de la prévenue.
D. Annick a indiqué qu’effectivement leur mère avait demandé qu’on ouvre un compte en banque avec deux signataires, mais l’accusé a refusé et que c’est D. Valérie qui est allée ouvrir le compte et l’accusée elle-même faisait des retraits sur ce compte. D. Annick a également laissé entendre que ses frères et sœurs n’étaient pas au courant du verdict qui ordonnait la liquidation de la succession, car le procès devait se tenir à Bobo-Dioulasso et à leur grande surprise, il s’est tenu à Ouagadougou de par la volonté de l’accusée. Elle explique que ses frères et sœurs ont demandé à D. Valérie de faire le retrait pour les soutenir, car il y a deux de ses frères qui sont sans emploi. Et de plus, a-t-elle argué, le retrait servait à supporter les factures de la maison.
« Je suis gêné, car c’est une affaire de famille qui se retrouve à la barre », dixit l'avocat de la partie civile
Et la défense de la partie civile d’abonder dans le même sens en indiquant que la cour familiale de Bobo-Dioulasso et la villa de Gaoua nécessite des travaux d’entretien et tombent en ruine. Aussi, confie l’avocat de la partie civile, deux des frères de l’accusée sont décédés par manque de soins dans cette affaire. La défense de la partie civile s’est dite gênée, car c’est une affaire de famille qui se retrouve à la barre. Il indique que lui-même est l’oncle de l’accusée et des plaignants. Il dit avoir intervenu en vain pour ramener l’unité au sein de la famille et apparemment, l’accusée ne veut pas reconnaître son tort. Il se demande pourquoi depuis 2008, il n’y a pas encore eu la liquidation de la succession qui aurait évité le présent procès. Selon lui, la prévenue a reconnu avoir signé des contrats de bail et ouvert un compte à son nom pour sécuriser l’argent, mais elle n’a pas apporté la moindre preuve, car elle n’a pas communiqué le numéro de compte, ni prouver le solde. Selon la partie civile, l’infraction est constituée, car l’accusée percevait le loyer et ne rendait pas compte et en faisait ce qu’elle voulait. La partie civile a donc réclamé la somme de 51 millions 058 mille FCFA représentant les loyers perçus et 30 millions de FCFA au titre des dommages et intérêts ainsi qu’un million de FCFA pour les frais exposés non compris dans les dépens.
« c’est le voleur qui crie au voleur », selon l'avocat de l'accusée
Le parquet a estimé également que les faits sont constitués, car l’accusée percevait le loyer sans en rendre compte à ses cohéritiers et en disposait de façon unilatérale sans l’aval de ces derniers. En agissant ainsi, le parquet estime que l’accusée a aussi agi frauduleusement en connaissance de cause. À cet effet, le parquet a requis qu’il plaise au Tribunal de déclarer l’accusée coupable des faits de dissipation d’héritage et la maintenir dans les liens de la prévention. En répression, le parquet a requis 6 mois de prison et une amende de 500 000 FCFA, le tout ferme.
Pour le conseil de l’accusée, « c’est le voleur qui crie au voleur », car des retraits sans justificatifs ont été effectués sur le premier compte sans aviser l’accusée qui se trouve être l’aînée de la famille. Ainsi, l’accusée voyant que ça ne pouvait pas aller comme cela est allée ouvrir un autre compte pour mettre l’argent en sécurité et faire des travaux d’entretien. La défense affirme que l’argent n’a pas été utilisé à des fins personnelles, mais, a servi à soigner les frères de l’accusée et à entretenir les maisons. Le conseil a invité le Tribunal à être en phase avec la liquidation de la succession. « On peut parler de dissipation si la succession est exécutée et les compte arrêtés. Ce qui n’est pas le cas ici », a plaidé la défense.
Le Tribunal a mis le verdict en délibéré pour le 10 décembre 2024.
Sam S
Zoodomail.com
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