Ce mardi 28 janvier, pour les populations du Sahel, une page est tournée définitivement, la page de la CEDEAO. Celle de l’AES se poursuit dans la détermination, la souveraineté et la dignité. Foin d’amertume et de regrets. Que d’espoirs et d’optimisme sur la trame panafricaniste des pères fondateurs et de résilience des populations qui ne souhaitent plus voir leur concession de la souveraineté utilisée pour les punir, les affamer, les humilier, et même les menacer d’agresser physique s’elles ne se s’aplatissent pas.
L’entretien que le Chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, a eu ce mardi avec la télévision nationale à l’occasion de l’anniversaire de la sortie définitive de nos pays de la CEDEAO, est un appel à la résolution à poursuivre la voie tracée dans la dignité et dans l’optimisme. Nous voulons un espace AES ouvert, solidaire et complémentaire « dans l’union et l’unité de nos peuples, pour se lever ensemble, combattre l’insécurité à travers la défense et la sécurité, mais aussi permettre à nos pays de parler d’une seule voix à travers notre action diplomatique ».
Les peuples Sahéliens et les dirigeants ne tendent pas la sébile. Ils restent debout, dignes, avançant dans un contexte à stabiliser davantage, mais regardent l’avenir avec beaucoup d’espoir, avec le sentiment qu’ils se sont réappropriés leurs pays et leurs destins. En dépit des divergences, ils acceptent
la main tendue et restent ouverts et très attachés « à mettre en place pour une coexistence pacifique des deux organisations, mais surtout travailler à la préservation des intérêts de nos populations ».
Etant les mêmes peuples vivant dans le même espace, le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Abdoulaye Diop estime que chacun doit travailler à ne pas diviser les populations mais à trouver les arrangements nécessaires pour préserver l’intérêts de ces populations.
Comme s’il avait été entendu, la CEDEAO dans un communiqué en date de ce 29 janvier même se résout à «permettre» aux citoyens des pays de l’AES de continuer à jouir, «jusqu’à nouvel ordre», du droit de la libre circulation, de résidence et d’établissement «sans visa, conformément aux protocoles de
la CEDEAO en la matière».
Voici l’intégralité de l’entretien accordé à l’ORTM par le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Abdoulaye Diop
Monsieur le ministre, comment vont les trois pays de l’AES sans la CEDEAO ?
Abdoulaye Diop : Merci beaucoup. C’est vrai que ce reportage nous ramène beaucoup de souvenirs, on réalise qu’il y a déjà un an que nos pays ont quitté la CEDEAO et je vois un peu toute la mobilisation qui a eu lieu autour de ça.
Je peux dire, sans risque de me tromper, que nos pays, le Burkina Faso, le Mali et le Niger, restent debout, restent dignes et restent résilients. Mais aussi, nos populations restent confiantes en leur avenir pour avancer avec détermination vers la réalisation de leur pleine souveraineté. Parce que nos
chefs d’État, ce qu’ils ont fait, c’est de reprendre en main les destinées de nos pays et aussi empêcher quiconque d’utiliser notre appartenance à une organisation.
Le fait que nous ayons abandonné une partie de notre souveraineté pour la réalisation de l’unité africaine ne peut pas être utilisé en retour pour pouvoir punir, affamer nos populations et même menacer d’agresser nos pays. Depuis, nos pays s’organisent. Ce n’est pas qu’une réponse à la CEDEAO, mais
nous avons décidé de faire ce que nous voulons dans le cadre de l’AES, en essayant de recréer une nouvelle forme de solidarité qui se fait dans le respect, dans la complémentarité et aussi dans l’union et l’unité de nos peuples, pour se lever ensemble, combattre l’insécurité à travers la défense et la sécurité, mais aussi permettre à nos pays de parler d’une seule voix à travers notre action diplomatique. Mais aussi, renforcer les actions de développement sur le terrain pour pouvoir cimenter nos différents pays.
Donc le message, c’est vraiment : nous restons debout, nous avançons et nous regardons l’avenir avec beaucoup d’espoir, avec le sentiment que nous nous sommes réappropriés nos pays et nos destins. Et c’est ce qui est le plus important. Notre histoire sera désormais écrite par nous-mêmes et pas par
d’autres.
Monsieur le ministre, vous venez de participer à une rencontre avec vos homologues à Ouagadougou sur les relations entre l’AES et la CEDEAO.
Quelles sont les principales issues de cette rencontre ?
Abdoulaye Diop : Cette rencontre de Ouagadougou n’est pas une première. Depuis la mise en place de la Confédération des États du Sahel, la diplomatie constitue un des piliers importants. Nous avons des échanges réguliers et toute l’année nous avons travaillé sur un certain nombre de questions.
Maintenant, la rencontre de Ouagadougou avait pour objectif essentiel prenant acte aussi des évolutions qu’il y a eu dans notre région et du fait que ça fait un an que nous sommes sortis de la CEDEAO et que nous essayons nous-mêmes d’aller dans la direction que nous avons choisie. C’était de pouvoir finaliser l’approche qui a été adoptée entre nos trois pays par rapport à la gestion de nos rapports avec la CEDEAO, mais d’entité à entité, c’est-à-dire, comment l’AES va établir ses relations avec la CEDEAO.
Et dans ce contexte, vous savez que nous avons perdu près de 11 mois après notre sortie. La CEDEAO n’avait pas réalisé, n’avait même pas pris au sérieux notre sortie. Il y a eu des tentatives, plus ou moins heureuses ou malheureuses, de pouvoir nous faire revenir. Tout ça, ça nous a fait perdre du temps pour finalement réaliser de leur côté que notre décision était définitive. À partir de cet instant, le 13 janvier, nous avons reçu un courrier de la Commission de la CEDEAO proposant des discussions.
Nos pays n’ont jamais été fermés. D’ailleurs, sous la direction de nos chefs d’État, le président Goïta du Mali, le président Traoré du Burkina et le président Tiani du Niger, il a été convenu d’accepter cette main tendue et d’aborder la discussion collectivement en tant que Confédération des États du Sahel avec la CEDEAO pour pouvoir nous mettre d’accord sur les arrangements à mettre en place pour une coexistence pacifique des deux organisations, mais surtout travailler à la préservation des intérêts de nos populations. Donc c’était vraiment l’objectif essentiel de la réunion de Ouagadougou,
de vraiment pouvoir aller dans une approche collective des échanges pour parvenir à un accord.
Vous avez tantôt parlé de tentatives pour vous faire revenir. Est-ce que vous avez envisagé des
négociations à ce stade ? Si oui, concrètement sur quel volet ?
Abdoulaye Diop : Madame, il faut d’abord réaliser que nos pays sont sortis de la CEDEAO le 28 janvier 2024, je le répète, le 28 janvier 2024, il y a un an. Donc, pour nous, toute discussion ne peut porter que sur la suite de notre retrait par rapport à ça. Maintenant, c’est une organisation qui a été bâtie quand
même sur plusieurs décennies. Il y a plusieurs accords et arrangements qui ont été mis en place. Donc c’est nécessaire.
Quelqu’un a parlé, je pense que j’ai écouté le Premier ministre tout à l’heure, il parlait en tant que porte-parole du gouvernement ; il a parlé de ou bien c’est le journaliste qui a parlé de divorce. Dans le cadre d’un divorce, tout ne se règle pas en un jour. Je crois qu’il y a la garde des enfants, il y a beaucoup de
choses. Donc ce sont ces discussions que nous devons avoir pour pouvoir avoir les accords nécessaires.
Moi, je crois qu’à partir du moment où ils viennent maintenant pour discuter des suites données à notre retrait et que nous-mêmes nous sommes dans la disposition de discuter pour faire avancer les intérêts de nos populations, je reste confiant que nous allons trouver les terrains d’entente nécessaires qui
puissent préserver la stabilité de la région mais aussi la quiétude de nos populations.
Monsieur le Ministre, est-ce qu’il faudra s’attendre
à des visas entre l’AES et la CEDEAO ?
Abdoulaye Diop : Bon, nous nous réjouissons d’abord que nos États aient réussi collectivement à mettre en place un passeport. Ce qui démontre l’attachement de nos chefs d’État par rapport à l’effectivité de la libre circulation de nos citoyens.
D’abord, dans notre espace, quand on en parle, c’est d’abord la priorité. C’est renforcer la libre circulation entre nos trois pays, et, mais aussi permettre à nos citoyens de se déplacer librement. C’est un acte souverain que nous avons pris par rapport à ça.
Le 14 décembre, vous avez vu que le collège des chefs d’État de l’AES a adopté une déclaration dans laquelle nous indiquons que l’AES est un espace sans visa pour les ressortissants des pays membres de la CEDEAO, pour montrer encore une fois que, pour nous, nos populations, AES comme hors AES, c’est les mêmes peuples. Donc, renforcer leur identité, ils peuvent continuer à se sentir chez nous et qu’ils n’auront pas besoin de visa par rapport à cela.
Maintenant, pour les autres questions, je pense que les discussions en cours avec la CEDEAO permettront de déterminer vraiment l’étendue de cette question de visa ou pas et d’autres
arrangements par rapport à la libre circulation. Mais je dois dire aussi que la libre circulation n’est pas une création de la CEDEAO. Nos États sont partis à l’indépendance dans les années 60. De 1960 jusqu’à 1975, vous n’avez pas entendu d’imposition de visas entre nos pays.
Infogouv
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