Le mardi 3 décembre 2024, O. Mahamadi, 30 ans, fonctionnaire de police de son état et S. Wilfried, 18 ans, étudiant en électronique, étaient devant le Tribunal de grande instance Ouaga 1 pour répondre respectivement des faits de complicité de détention illégale d’arme à feu, incitation à la commission d’un délit ou un crime, en l’espèce un acte de grand banditisme. À la barre, O. Mahamadi a reconnu les faits tandis que S. Wilfried a nié les accusations portées contre lui.
Les faits se sont produits courant septembre 2024, date à laquelle, O. Mahamadi, qui avait besoin d’argent pour organiser son mariage, remet son arme de service chargée de 9 munitions à S. Wilfried et K. Abdoul Aziz, élève de 17 ans pour qu’ils aillent braquer un dealer de drogue qui était dans leur quartier. Pris de peur, S. Wilfried et K. Abdoul Aziz ne vont pas exécuter la mission.
Les faits !
A la barre, S. Wilfried raconte que c’est O. Mahmadi qui l’a appelé un soir autour de 22 heures pour lui dire qu’il avait besoin d’argent pour organiser son mariage. Sur ce, le fonctionnaire de police qu’est O. Mahamadi lui a remis un pistolet automatique dans une sacoche en lui disant d’aller intimider un dealer de drogue qui habitait leur quartier pour lui soutirer de l’argent qu’ils allaient partager entre eux. S. Wilfried indique qu’il était accompagné de K. Abdoul Aziz. Il explique que lorsqu’il a pris l’arme, il ne savait pas quoi faire et l’a remis à K. Abdoul Aziz et ils ont demandé à O. Mahamadi comment, ils devraient procéder et ce dernier leur a dit de se débrouiller seulement pour intimider le dealer et prendre l’argent. S. Wilfried confie que lui et K. Abdoul Aziz ne savaient pas quoi faire et qu’ils avaient peur. C’est ainsi qu’ils ont mis l’arme sous la selle de la moto et sont allés dans un maquis, où ils ont mangé et ont pris de la boisson, histoire de bien réfléchir à la mission. Au final, ils ont décidé de ne pas l’exécuter, car ils ne savaient pas comment s’y prendre. Alors, selon les propos de S. Wilfried, K. Abdoul Aziz a démarré la moto pour aller chercher des unités pour qu’ils puissent appeler leur commanditaire pour lui dire qu’ils ne pourront pas exécuter la mission. En cours de route, K. Abdoul Aziz tombe sur une patrouille de la police, pris de peur, il s’enfuit et s’est retrouvé dans les non-lotis de Kamboinsin. Il appelle donc un de ses amis, militaire de son état pour lui poser le problème. Ce dernier vient récupérer l’arme et va les dénoncer à la police.
Comparaissant en tant que témoin dans l’affaire puisqu’il est considéré comme un mineur et pour ces faits devrait comparaitre devant le Tribunal pour enfant, K. Abdoul Aziz, 17 ans et élève en classe de 5e a confirmé les propos de S. Wilfried. Il déclare à la barre qu’il fréquente à Bobo-Dioulasso et qu’il est venu à Ouagadougou pendant les vacances. Il dit travailler dans un débit de boissons communément appelé « cave » et qu’il a fait la rencontre de S. Wilfried il y a juste trois mois. A en croire, K. Abdoul Aziz, le jour des faits, il était avec S. Wilfried, lorsque ce dernier a reçu l’appel de O. Mahamadi pour un rendez-vous. C’est alors qu’il a accompagné son ami et précise-t-il, quand ils sont arrivés au lieu du rendez-vous, S. Wilfried et O. Mahamadi se sont vus en huis clos. Il relate que c’est après cet aparté que S. Wilfried est venu lui dire que O. Mahamadi lui a remis une arme pour qu’ils aillent braquer un dealer de drogue parce que ce dernier avait besoin d’argent pour organiser son mariage et c'est sous insistance de O. Mohamed. Il avoue qu’en apprenant ceci, il a eu peur et il voulait décliner la mission, car il n’a jamais fait des choses de ce genre. Mais ne connaissant pas personnellement qui était O. Mahamadi, il dit avoir eu peur de la réaction de celui-ci, car il s’est dit que ce dernier pouvait les flinguer de peur qu’ils aillent le dénoncer s’ils refusaient. Il soutient qu’il ne connaissait pas personnellement O. Mahamadi et que c’est son acolyte qui l’a dit après que celui-ci était un policier. Ils se sont alors résolus à ne rien faire et sont allés manger.
Après cela, K. Abdoul Aziz a dit être allé faire des courses et est tombés nez à nez avec une patrouille de police et il a eu peur et s’est réfugié dans les non-lotis de Kamboinsin d’où il a appelé son ami militaire qui est venu récupérer l’arme. Il affirme que c’est deux semaines après les faits que son ami est revenu lui remettre l’arme à son lieu de travail et 5 minutes plus tard, il a été appréhendé par la police.
« Je regrette mon acte », dixt l'accusé.
Appelé à la barre, O. Mohamed a partiellement reconnu les déclarations S. Wilfried et K. Abdoul Aziz et a fait son mea-culpa. Il affirme qu’effectivement, il a remis son arme à S. Wilfried et K. Abdoul Aziz pour qu’ils aillent intimider un dealer de drogue connu dans leur quartier. Il indique que c’est S. Wilfried qui l’a parlé du dealer et lui a donné l’idée. Pour lui, il était question d’aller intimider le dealer pour avoir de l’argent et non aller faire un braquage. Il dit regretter son acte, car étant affecté à l’unité de lutte contre le grand banditisme et la criminalité, cet acte peut lui coûter sa carrière. Il confie qu’il leur a défendu d’utiliser l’arme en aucun cas.
« Vous donnez une arme chargée pour faire un braquage et vous leur dites de ne pas l’utiliser ? Et si ça tournait mal et que le dealer aussi était armé ? », questionne alors le procureur. L’accusé répond qu’il a mal agi en effet et demande la clémence du Tribunal.
Le parquet estime que S. Wilfried a été constant et en enquête préliminaire et à la barre. Cependant, le procureur retient que les infractions d’actes de grand banditisme et de détention illégale d’arme à feu sont suffisamment établies au regard des éléments matériels. À ce propos, le parquet a requis 60 mois de prison, dont 36 mois ferme et un million de FCFA assorti de sursis.
En ce qui concerne O. Mahamadi, l’accusation de complicité de détention illégale d’arme à feu et d’incitation à la commission d’un délit ou un crime, en l’espèce un acte de grand banditisme à lui reprocher, le parquet a soutenu que les infractions sont constituées. Du reste, estime le parquet, la personnalité de O. Mahamadi ne milite pas en sa faveur, car étant un fonctionnaire de police. Et en cette qualité et étant également affecté à l’unité de lutte contre le grand banditisme et le terrorisme, il ne devrait pas agir comme les criminels qu’il traque. Aussi, il a mis en danger la vie de S. Wilfried et K. Abdoul Aziz ainsi que celle du dealer, car on ne pouvait pas savoir ce qui allait se passer si le dealer avait une arme comment allait-il réagir. Au regard de tous ces éléments, le parquet a requis 11 ans de prison dont 7 ans ferme assortis d’une période de sûreté de 5 ans et 10 millions de FCFA d’amende contre O. Mahamadi.
La défense de S. Wilfried a trouvé sévères les réquisitions du parquet à l’endroit de son client. Il a indiqué que son client a été constant tout au long de l’instruction. De plus, celui-ci a reconnu les faits et a manifesté sa volonté de s’amender à cet égard, il a plaidé le sursis. Selon l’avocat de S. Wilfried, ce dernier a subi une influence négative de O. Mahamadi, fonctionnaire de police de son état. « Comment, un fonctionnaire de police peut-il remettre son arme de service à des adolescents de 18 et 17 ans pour aller faire un braquage ? », s’est demandé le conseil de la défense. Pour lui, son client a été manipulé.
Dans son verdict, le Tribunal a condamné S. Wilfried à 12 mois de prison et une amende de 500 000 FCFA, le tout assorti de sursis. O. Mahamadi a été condamné à 11 ans de prison ferme assorti d’une période de sûreté de 6 ans et une amende d’un million de FCFA. Le Tribunal a fait savoir à O. Mahamadi qu’il peut s’estimer heureux car c’est la peine minimale qu’il a prononcé. Pour le Tribunal, au regard de l’acte posé par le prévenu, il pouvait écoper des 11 ans à la prison à vie.
Image illustrative
Sam S
Zoodomail.com
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