Psychologue clinicien et psychopathologue de formation, docteur Sébastien Yougbaré est aussi enseignant chercheur à l’Université Joseph Ki Zerbo. Actuellement, il est le directeur du CENOU (le centre National des Œuvres Universitaires) du Burkina Faso. Dans un entretien accordé à votre média Zoodomail.com, il nous dévoile tous les pans du métier de psychologue.
Zoodomail.com : Dites-nous, c’est quoi être psychologue ?
Docteur Yougbaré : Etre un psychologue, c’est être un professionnel en psychologie, c’est un titre protégé. N’est pas psychologue qui veut mais qui a subi une formation en psychologie et la psychologue est une science humaine, donc la psychologie n’est pas la médecine. Il n’y a que des croisements dans les spécialités de la psychologie, il y a ceux qui sont régulièrement dans les hôpitaux notamment les psychologues cliniciens psychopathologues, les neuropsychologues, les psychologues de la santé. Mais il faut dire que tout psychologue peut travailler en milieu médical.
Comment la profession est organisée au Burkina ? Y a-t-il un ordre des Psychologues ?
Malheureusement, il n’y a pas un ordre de psychologues. Il y a plein de confusions. Il y a des corps de métiers comme les psychiatres ou des gens se prennent pour des psychologues, il y a des philosophes qui se prennent pour des psychologues, il y a des sociologues qui se prennent pour des psychologues, j’ai envie même de dire qu’il y a des mystiques qui se prennent pour des psychologues. Pour être un psychologue, il faut avoir fait une licence, c’est-à-dire un Bac+3 en psychologie générale et comparée c’est-à-dire la psychologie fondamentale qui veut dire de passer de la connaissance de la psychologie et des sciences telles que les autres sciences humaines parce-que la psychologie se loge d’abord comme science humaine et ainsi comme les sciences de la vie et de la terre. Voilà ce qui fait qu’aujourd’hui, il y a une très forte connexion entre psychologie et biologie.
Comment devient-on psychologue ici au Burkina Faso (sur le plan légal) ?
Pour avoir le titre de psychologue, il faut avoir un master 2 dans une des spécialités de la psychologie. Fondamentalement, vous avez la psychologie du développement, la psychologie sociale et la psychologie clinique. Vous avez autant de spécialités, autant de pratiques de la psychologie. La discipline de la psychologie a des sous disciplines, c’est tout un arbre. Pour couronner, il faut faire une thèse dans une des spécialités. Au Burkina Faso, la thèse est ouverte depuis, 2018-2019 et le master en 2016-2017, je parle de l’université Joseph Ki Zerbo, sinon auparavant, l’université de Koudougou, a devancé toutes les universités en matière de formation des psychologues, en créant leurs masters de psychologie, notamment d’apprentissage et mémoire.
Qu’est-ce qui vous différencie d’un psychiatre ?
Pour être psychiatre, il faut avoir le titre de médecin. La psychiatrie est une spécialité médicale, donc c’est le traitement médicamenteux de la maladie mentale. Donc quand on dit qu’on est psychiatre, c’est-à-dire qu’on est médecin spécialisé en traitement de la maladie mentale. Le psychologue, c’est un spécialiste des sciences humaines qui traite de la personnalité donc l’organisation interne du sujet. Il prend en compte les aspects socio-culturels du psychisme, parce que l’être humain, c’est tout une trajectoire développemental. Il prend en compte la genèse, le développement pour parler des transformations de l’individu. Nous nous intéressons à la structure psychologique.
En quoi consiste le métier de psychologue ?
Les domaines d’interventions sont pluriels et attribués selon les spécialités de la psychologie. Si je prends dans mon domaine, le psychologue clinicien intervient dans le champ médical notamment en psychiatrie, intervient dans le domaine de l’éducation, intervient dans le domaine de travail, des organisations, donc autant de spécialités que nous avons déclinent les points d’interventions de psychologie. Plus spécifiquement, on connait les psychologues en matière d’écoute et d’accompagnement de la personne. Dans la résolution des questions qui s’imposent à la personne, le psychologue est mieux positionné pour tenir compte des besoins intimes de la personne et tenir compte de la modalité fonctionnelle de comment est-ce-que cet individu qui vient, il n’est pas comme tout le monde, il est singulier et produit d’histoire et tenir compte de sa structuration mentale, donc de son mode d’approche au monde à soi et aux autres et à l’environnement. Il faut tenir compte du schéma mental du sujet, c’est très important.
Le psychologue, peut-il prétendre être un médecin ? Si oui, sont-ils régis par les mêmes règles déontologiques et éthiques ?
Les psychologues et les médecins ne sont pas régis par les mêmes règles éthiques et déontologiques. Les psychologues ont leurs ordres à part. Les psychologues ne sont pas des médecins et vice versa. Un psychologue pourrait être un médecin s’il a reçu une formation en médecine. Un médecin, soit-il psychiatre pourrait se prétendre psychologue s’il a sa licence et son master minimalement en psychologie, maximalement s’il a sa thèse.
En Europe, quand les gens vous disent qu’ils sont psychiatres psychologues, vous voyez leurs parcours où ils ont fait les études en psychologie. Ici, on entend que psychologue comme psychiatre s’occupent du pan psychisme, mais le psychiatre s’occupe plus de la maladie psychique. Malheureusement, les gens se disent psychologues, ils sont des psys, mais des psychiatres. Nous nous sommes des psys, des psychologues parce qu’il y a d’autres psys. Par exemple les psychanalystes, nous n’avons pas les mêmes démarches et nous ne sommes pas dans la même orientation. Le psychologue n’est pas un médecin. Mais il y a des médecins psychologues. C’est parce qu’ici, il y a une mystification des sciences, sinon tout le monde peut apprendre. Il suffit que les conditions d’admissions soient remplies.
A quel moment peut-on juger nécessaire de consulter un psychologue ?
Il n’y a pas de moment dédié pour consulter un psychologue. On peut consulter un psychologue pour faire connaissance de soi, pour des choix qu’on doit faire dans la vie. Je veux devenir psychologue, je peux aller me faire consulter, j’ai un projet de vie, connaitre davantage mon choix, en adéquation avec moi-même. Il faut une syntonie, il faut un accordage avec mon choix. Il ne faut pas aller et éprouver des difficultés et abandonner. Il faut bien se connaitre pour avancer. On peut consulter un psychologue et c’est ce qui est souvent entendu, quand on a quelques troubles psychiques. On peut consulter un psychologue, quand on a un projet de mariage, quand on a un changement important dans sa vie comme une perte de personne chère. On peut consulter un psychologue, quand on est trop fier de soi, aussi je le dis quand on a un déséquilibre émotionnel. On peut consulter un psychologue, quand on fait trop d’accidents. On peut consulter un psychologue dans les cas d’échecs, que ce soit scolaire ou d’échecs dans nos relations.
Vous arrive-t-il souvent de recevoir des patients conscients de leur mal-être et qui viennent d’eux-mêmes ?
Justement, dans le champ de la psychologie, il est régulier qu’on est des patients conscient de leurs mal être, sinon il serait d’abord en psychiatrie ou à l’hôpital qui après les soins d’urgences sont référés aux psychologues pour mieux cuisiner leurs problématiques internes. Parce que la psychologie, ce n’est pas la psychiatrie. Quand vous êtes en perte totale dans la maladie mentale, vaut mieux d’abord se faire soigner d’abord par un psychiatre pour stabiliser et lever des problématiques de troubles pathologiques et après, il faut travailler votre personnalité, cela requiert la présence de psychologue. Il faut travailler votre comportement et votre organisation interne, qui justifie votre comportement et travailler votre histoire de vie au point d’en faire l’élaboration des événements stressants ou traumatisant qui vous amène à décompenser, c’est-à-dire à ne pas tomber dans la souffrance psychique ou dans la maladie.
Peut-il arriver qu’un psychologue consulte un autre psychologue ?
Absolument, parce que dans notre travail, c’est un travail intense d’écoute, de transfert. Lorsque vous êtes en rencontre telle que dans un entretien, il y a un partage émotionnel, un partage d’expérience, des réactivations de notre histoire et des trajectoires qui souvent réactivent des silences, c’est-à-dire, des expériences que nous avons traversés mais qui n’ont pas pu avoir une capacité d’avoir une continuité psychique. Il y a des réveils traumatisants qui peuvent survenir à l’intérieur d’un entretien. Il y a l’épuisement au travail psychique. Vous êtes à l’écoute, il faut être en alerte, disponible et capable de sécuriser l’autre, en même temps que l’autre vous évoque dans ses problématiques internes, de souffrances. C’est pesant souvent le contexte parce que vous partagez des charges mentales qu’il va falloir par moment décompresser, se déstresser pour pouvoir avoir une continuité sinon vous faites une contagion et ce n’est pas bon. On dit qu’il faut être un fou pour soigner des fous. Ce sont des dictons, donc on va se soigner aussi, en nous donnant d’espace d’écoute enfin de décharger, dédramatiser les scènes qu’on partage avec nos clients, c’est important. Le psychologue, peut avoir une maladie psychique aussi comme le médecin aussi tombe malade. Donc ça peut tomber malade, un psychologue peut devenir fou, un psychiatre aussi.
Comment appréciez-vous la fréquence de consultation chez les psychologues au Burkina Faso ? Peut-on dire que c’est une habitude qui s’installe ?
C’est une habitude qui s’installe. Dans les années 1996, j’ai commencé très tôt avec des supervisions, parce que je n’étais pas un psychologue plein. J’intervenais auprès des enfants de la rue, auprès des ONG, mais en supervision de psychologue attitré. On pouvait passer une année à avoir qu’un seul patient, parce que les groupes psychologues en son temps, c’était les mystiques et les religieux. Les gens allaient se confier comme de la confession. Il y avait aussi la famille, les gens étaient plus ou moins entourés des siens, il y a des cercles d’amis, il y avait des espaces d’écoutes qui étaient culturellement admis et les gens partaient. Avec le contexte de violence, les gens sont dans un vaste besoin de psychologues, et aujourd’hui il y a plus de psychologues. Quoi qu’il y en ait trop qui ne sont pas qualifiés. Voilà pourquoi à Koudougou, comme à Ouaga, les deux départements travaillent à ouvrir, à renforcer les masters et à former davantage des jeunes en psychologie. Si vous prenez, le nord actuellement, c’est plein de psychologues formés à Koudougou et à Ouagadougou. Par ailleurs, vous avez des infirmiers en psychiatrie qui se prennent pour des psychologues, ils mettent dans leurs tampons psychologues, parce que ce n’est pas une profession encadrée, donc, ils mettent leurs cachets psychologues, pour se faire de la clientèle. Aujourd’hui, il y a des coaches même qui se prennent pour des psychologues. Sinon actuellement, il y a une très belle fréquentation des psychologues. Je crois que moi-même, je ne peux pas faire une semaine sans avoir des séances de soutien psychologique équivaut par exemple à (07) sept à (10) dix séances, si c’est trop ce sont15 séances. Si vous avez fait 15 séances dans chaque semaine, vous êtes épuisés, parce que la séance peut durer de 40 mins à une heure. Il y a des thématiques souvent quand vous écouter à l’intérieur d’une séance, les traumatismes ou les djadhistes tuent les gens, il y a les déplacés internes, les gens sont dans l’inhérence, c’est parce qu’il manque d’espace d’écoute, et s’il y a de l’écoute, ce sont des associations ou les gens partent faire des journées de soutiens, on leur donne du riz. Cela n’est pas psychologique. L’approche psychologique est promotionnelle, amener l’individu à se réhabiliter en ayant recours à ses propres ressources. Il faut davantage consolider des ressources mentales, non par le médicament cela, c’est de la psychiatrie, mais par le travail sur la symbolisation des expériences vécues.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans le cadre de l’exercice de votre métier ?
Il y a d’abord que la psychologie est méconnue, mais la psychologie du fait qu’il n’y a pas d’ordres, il y a carrément des abus. C’est une difficulté majeure parce que l’image qu’on donne à la psychologie, de même que ceux qui prestent la psychologie sans pour autant être des psychologues, cela constitue, une violence faite à la psychologie. Cela ne structure pas la promotion d’un ordre et d’un métier au Burkina Faso. Aujourd’hui, il y a des recrutements de psychologues, mais cela a été faussé à la base au niveau de la fonction publique. On recrute des psychologues pour aller les former où ? Il faut les former dans les universités, dans des masters. Bien sûr, quelqu’un peut créer son institut privé, mais il faut que ce soit assuré par des psychologues. Il ne faut pas médicaliser notamment la psychologie au Burkina en le confondant à la psychiatrie parce que la démarche n’est pas la même.
Quelles sont les valeurs ou qualités requises pour être un bon psychologue ?
Un bon psychologue, d’abord c’est votre capacité d’accueil, d’écoute, de faciliter aussi la parole de celui qui est en posture de demande d’écoute. Votre capacité d’accompagner le sujet au travers des techniques d’accompagnements, donc il faut être efficient. La première des qualités, il faut se former au métier de psychologue et connaitre les problématiques psychologues autant que les courants et leurs applications en psychologie pour ne pas faire des médicaments de la rue, du fourre-tout.
Quels conseils pouvez-vous donner à toutes ces personnes qui rêvent d’exercer ou qui exercent votre profession ?
Il faut d’abord avoir le titre de psychologue suivant la trajectoire de la formation d’un psychologue. Très souvent on confond mystique, spirituel et autres comme des psychologues. On confond sage et psychologue comme on confondrait un religieux à un psychologue. Donc c’est par la formation, et le respect de l’éthique et de la déontologie de psychologues. Donc le conseil c’est que les psychologues se mettent d’abord en corps de métier reconnus afin de promouvoir les labels de psychologies.
Quels conseils pouvez-vous donner à toutes ces personnes qui rêvent d’exercer ou qui exercent votre profession ?
Il faut d’abord avoir le titre de psychologue suivant la trajectoire de la formation d’un psychologue. Très souvent, on confond mystique, spirituel et autres comme des psychologues. On confond le sage et le psychologue comme on confondrait un religieux avec un psychologue. Donc c’est par la formation, et le respect de l’éthique et de la déontologie de psychologues. Donc le conseil, c’est que les psychologues se mettent d’abord en corps de métier reconnus afin de promouvoir les labels de psychologies.
Nefertari Ouedraogo
Zoodomail.com
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